En 1585, le R.P. portugais Luis Frois écrivit un traité sur les contradictions et différences de mœurs entre Européens et Japonais. Il avait remarqué que le Japon était « un monde du tout à l’envers « et développé l’idée que « les Japonais font beaucoup de choses de façon exactement contraire à ce que les Européens jugent naturel et convenable « .
Environ 700 remarques constituent cet ouvrage. Après en avoir fait un premier tri des plus étonnantes ou des plus drôles ( environ 70 ), en voici une vingtaine, in fine, toutes bien subjectives donc.
- Chez nous, il est sale de mâcher à grand bruit et de laper le vin ; les Japonais tiennent ses manières pour raffinées.
- Chez nous, quand nous cueillons une rose ou un œillet richement parfumé, nous le sentons d’abord, et ensuite nous le regardons ; les Japonais, au contraire, ne tiennent aucun compte de l’odeur et ne se délectent que de la vue.
- Chez nous, la musique chorale est sonore et douce ; celle du Japon, comme tous s’égosillent d’une seule voix, est la plus horrible que l’on puisse entendre.
- Nous montrons notre émotion lors de la perte de nos biens ou de l’incendie de notre maison ; les Japonais semblent considérer tout cela avec beaucoup de légèreté.
- Chez nous il n’y a pas de crucifixion ; au Japon, c’est un châtiment très courant.
- Chez nous, hommes, femmes et enfants ont peur de la nuit ; au Japon, au contraire, ni les grands ni les petits n’en ont la moindre crainte.
- Nous mettons l’honneur dans les substantifs ; les Japonais dans les verbes.
- Chez nous, il est d’usage de s’embrasser lors des adieux ou quand quelqu’un arrive de loin ; les Japonais ne connaissent pas cette coutume, et rient quand ils nous voient faire ainsi.
- Chez nous, lorsqu’ils parlent debout, les hommes se tiennent droits, un pied devant l’autre ; au Japon, s’ils sont deux, l’inférieur doit garder les pieds joints, les mains croisés à la ceinture, le corps penché en avant, et selon ce que dit l’autre, faire des minauderies à la manière des Européennes.
- Nous nettoyons les narines avec le pouce ou l’index ; eux, qui les ont très étroites, le font avec le petit doigt.
- Nous succombons souvent à la colère et ne dominons que rarement notre impatience ; eux, de manière étrange, restent toujours en cela très modérés et réservés.
- Nous tenons la promenade pour agréable, saine et récréative ; les Japonais n’en font jamais, et s’étonnent fort devant nous de ce qu’ils croient être un travail ou une pénitence.
- Chez nous, les gens se lavent le corps en se cachant ; au Japon, hommes, femmes et bonzes le font dans les bains publics, ou la nuit devant leur porte.
- Celles d’Europe font tout pour avoir des cheveux blonds, et s’en honorent ; les femmes japonaises les ont en horreur, et œuvrent tant qu’elles peuvent la noircir.
- Chez nous, les prénoms des femmes sont empruntés aux saintes ; ceux des Japonaises sont : marmite, grue, tortue d’eau, espadrille, thé, roseau, etc.
- Ceux d’Europe ( enfants ) sont élevés avec beaucoup de câlins et de douceur, de la bonne nourriture et de bons vêtements ; ceux du Japon sont à moitié nus et presque privés de tendresse et d’attentions.
- Chez nous, les hommes entrent en religion pour faire pénitence et pour leur salut ; les bonzes le font pour échapper au travail et vivre en repos parmi les plaisirs.
- Nous avons foi en la gloire ou le châtiment à venir, et croyons en l’immortalité de l’âme ; les bonzes zen nient tout cela, et disent qu’il n’y a rien d’autre que la naissance et la mort.
- Nous considérons comme renégat et apostat celui qui renie sa croyance ; au Japon, il n’est nullement infamant de changer de secte autant de fois qu’on veut.
Extraits de « Européens et Japonais « du R.P. Luis Frois , éditions Chandeigne, isbn : 978-2-915540-54-3, prix conseillé 9,50 euros