Salut les ami(e)s,
Suite à mon précédent article sur le point vital entre les deux yeux, et à son incroyable mauvaise traduction dans le livre « L’art sublime et ultime des points vitaux » (Budô Editions) (voir ici sur ce forum : http://www.lejapon.org/forum/threads...-les-deux-yeux ), je vous avais promis de vous entretenir de la traduction française du « Dernier ninja » de Fujita Seiko (il s’écrirait en fait Saiko, mais j’ai conservé Seiko pour cet article).
Eh bien voilà, chose promise, chose due.
Prenons donc les choses par ordre chronologique.
A l’origine, il y a le livre en japonais de Fujita Seiko : « Doronron saigo no ninja » [ どろんろん 最後 の 忍者 ], paru en 1958 au Japon.
Vous pouvez le télécharger intégralement à ce lien, sous forme d’un PDF de 55 Mo :
https://www.sendspace.com/file/1tre7c
Comme dans mon article sur « L’art sublime et ultime des points vitaux », plutôt que de passer toutes les erreurs du livre en revue, j’ai décidé de me concentrer sur un exemple précis et représentatif, en l’occurrence l’évocation des techniques yônin (les techniques Yang du ninjutsu) par Joachim Bidallier, puis par Sylvain Guintard.
Dans le livre japonais de Seiko, on trouve ce passage de la page 227 à la page 229 (c’est-à-dire les pages 114 et 115 du PDF).
En France, le tout premier à avoir traduit ce livre est Joachim Bidallier.
Il l’a fait paraître en auto-édition, et dans cette édition, on peut voir la traduction de ce passage en pages 188-189.
Je cite in extenso :
« Technique du Yônin (situation d’entrée rapprochée)… Méthode où en revêtant un déguisement en vue d’un stratagème, on s’infiltrait au milieu de l’ennemi.
• Les préparatifs aux moments de se faufiler vers le camp ennemi :
La technique du Suigetsu… Méthode pour s’infiltrer et se mélanger parmi l’armée ennemie.
La technique du camouflage furtif (situation d’un expert en furtivité)… Méthode pour se rendre furtif aux yeux des gens et s’infiltrer.
• Shikibenmin (Dialecte du sommeil des quatre saisons) :
Auinujutsu… Mesure à prendre quand on a été découvert par un chien.
• Chercher à quitter les lieux en marchant avant d’avoir terminé une mission :
Nozokukagejutsu (technique d’observation des ombres) article cinq… Manière de ne pas se faire détecter quand on est menacé et s’infiltrer.
Nozokukagejutsu, article cinq… Manière de dissimuler son corps au moment où on s’infiltre.
Kanin ninkubari (Ninja expert pour fournir une personne), article trois.
Mécanisme de passage, article six.
• Intrigue de l’auto-apprentissage du ninjutsu et les arts secrets qui s’y attachent,
Technique du Yônin (éléments sur les entrées distantes)… Méthode d’entrée au milieu de l’ennemi avant un conflit.
Début du plan, article six… De temps en temps penser à des mesures pour s’infiltrer.
Technique du katsurao (homme de la lune), article trois… Méthode pour insérer une mesure stratégique au milieu de l’ennemi.
Ressembler à un fantôme, article trois… Méthode pour effectuer une action anticipant le signe d’action de l’ennemi.
Technique du kunoichi… Méthode pour utiliser une mesure stratégique à savoir la femme kunoichi (femme ninja).
Technique du satojin (villageois), article deux… Méthode pour entrer au milieu de l’ennemi en utilisant ceux de la nation ennemie.
Technique du minomushi (corps d’insecte), article deux… Méthode pour faire le contre-espionnage de l’ennemi.
Technique de l’hotaru bi (feu de luciole), article trois… Faire douter les hommes d’état responsables de l’ennemi, méthode pour les laisser attaquer.
Technique du fukuro kaeshi (sac retourné), article deux… Méthode pour se laisser mettre en confiance avec l’ennemi, ébaucher cette couverture.
Technique du Tenda (crachat des cieux), article deux… Méthode pour faire une mesure stratégique soi-même qui soit une mesure stratégique de l’ennemi.
Technique de l’arc détendu, article deux… Méthode pour frapper la nuque pareille à l’inter-plan de l’ennemi qui est pratiqué étant endormi.
Technique du yamabiko (écho de montagne), article deux… Etablir une mesure stratégique soi-même à faire de son propre gré, une mesure stratégique de l’ennemi qui devient réalité. »
Pour preuve, en voici les photos :
https://zupimages.net/viewer.php?id=24/26/rr5o.jpg
https://zupimages.net/viewer.php?id=24/26/hww3.jpg
https://zupimages.net/viewer.php?id=24/26/ekkt.jpg
Quelques années plus tard, Joachim Bidallier devait être publié chez Budô Editions ; il lui a été faite une promesse d’édition, et Joachim Bidallier leur a donc envoyé son manuscrit (donc la version vue ci-dessus).
Sylvain Guintard en a profité pour faire main basse dessus, en prétextant la mauvaise qualité de cette traduction française, ce qui l’aurait amené à relire directement le texte japonais d’origine.
Voici d’ailleurs comment Sylvain Guintard s’en justifie via cette note de bas de page, en page 8 :
« En 2011, je propose à une connaissance française résidant dans les montagnes de Nikkô/Tochigi [Joachim Bidallier], touchée par la triple catastrophe de Tohoku-Kanto (Fukushima) quelques mois auparavant, de se lancer dans la traduction du Doronron, car mon temps était totalement consacré au bouddhisme du shugendô dû à ma réhabilitation neuronale. De plus, ayant perdu son emploi, à cause de ses prises de position personnelles, face au délicat problème de la pollution atomique, il avait alors quelques soucis financiers… Lui ayant trouvé le meilleur éditeur d’arts martiaux en France, alors que je ne devais lui faire que sa préface, je m’aperçois que ce qui ne devait être que des retouches se transforme bientôt en une nouvelle traduction, tant la sienne était incompréhensible et relevant très certainement d’une « traduction Google ». Déçu que ce travail ne puisse aboutir, je me résigne à empoigner ce nouveau défi à bras-le-corps, et me voilà en 2012, plongé à nouveau dans les dictionnaires de japonais durant douze mois. Les expressions, les mots des époques Meiji et Taiso sont très différents du japonais moderne que je connaissais… Je dus donc tout réécrire en donnant parfois des explications en exergue du texte. »
Dans ce livre publié par Budô Editions, la traduction du passage étudié ci-dessus se trouve en pages 262-263.
Je cite in extenso la traduction alléguée de Sylvain Guintard :
« Technique du yônin (une note de bas de page, la note n° 324, indique : « Ninja travaillant en plein air ») (situation d’entrée rapprochée) : afficher une apparence en vue d’appliquer un stratagème, une méthode d’infiltration en milieu ennemi.
Les préparatifs au moment de se faufiler vers le camp ennemi :
• La technique du suigetsu : méthode consistant à se faufiler pour s’introduire par diversion parmi l’armée ennemie. Technique de camouflage d’un expert dans laquelle la méthode consiste à se dissimuler afin d’avoir une apparence aussi furtive que possible aux yeux des gens.
• Shikibenmin : (dialecte du sommeil des quatre saisons).
• Auinujutsu : mesures à prendre lorsqu’on est découvert par un chien. Rechercher à quitter les lieux en boitant avant d’avoir terminé d’uriner.
• Nozoku-kagejutsu (technique d’observation des ombres) : mesure pour ne pas se faire détecter quand on est menacé et se faufiler parmi les ombres.
• Kanin-ninkubari (ninja expert pour approvisionner une personne) : mécanisme de passage. Intrigue de l’autoapprentissage du ninjutsu et des arts secrets qui s’y attachent.
• Technique du yônin (situation des entrées distantes) : méthode d’entrée en milieu ennemi avant un conflit.
Début du plan : penser aux moyens pour réussir à s’infiltrer.
• Technique du katsurao (homme de la lune) : méthode pour créer un espace au milieu de l’ennemi.
• Ressembler à un yokkai/yurre (fantôme) : méthode pour effectuer une action préventive face aux actions possibles de l’ennemi.
• Technique du kunoichi : méthode pour utiliser la femme ninja comme arme.
• Technique du satojin (villageois) : méthode pour pénétrer en milieu ennemi en utilisant des atouts de la nation ennemie (village).
• Technique du minomushi (corps d’insecte) : à l’époque féodale, le minomuchi était une armure ressemblant à l’insecte du même nom, constitué de lamelle de bambou, de cuir et de paille tressée. Sorte de carapace qui permettait à l’agent de terrain de combattre à découvert.
• Technique de l’hotaru-bi (feu de luciole) : méthode pour introduire le doute chez les responsables ennemis afin de créer des opportunités de franchissement.
• Technique du fukuro-kaeshi (sac retourné) : méthode pour mettre en confiance l’ennemi, « dessiner une couverture ».
• Technique du tenda (crachat des cieux) : méthode sacrifice pour faire de soi-même une arme mortelle vis-à-vis de l’ennemi.
• Technique de l’arc détendu : méthode pour frapper l’ennemi derrière la nuque alors qu’il sommeille.
• Technique du yamabiko (habitant montagnard) : établir une série de difficultés entre soi et l’ennemi afin que la réalité devienne très difficile. »
Pour preuve, en voici le scan :
https://zupimages.net/viewer.php?id=24/26/8vw9.jpg
Alors le moins que l’on puisse dire, c’est que ces deux traductions sont très approximatives.
Qu’en est-il de ce passage ?